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28 janvier 2012

superstitions de Transylvanie Extrait d'un essai de 1885, par Emily Gerard

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La Transylvanie pourrait être surnommée le pays de la superstition car il n'est pas d'autre endroit au monde où cette plantation d'illusions fleurisse avec autant de persistance et dans une si incroyable variété. Il semble que toutes les espèces de démons, lutins, sorcières et hobgobelins, chassés du reste de l'Europe par la baguette de la science, se soient réfugiés dans ces remparts montagneux, bien conscients qu'ils y trouveraient des endroits sécurisés d'où ils pourraient défier leurs persécuteurs pendant un bon moment. Bien des raisons font que ces créatures fabuleuses devraient garder la terre de ces lieux sous leur emprise ; et en y regardant de plus près, nous ne trouvons pas moins de trois sources différentes de superstition.

Premièrement, il y a ce que l'on peut appeler la superstition indigène du pays, le paysage ou décor particulièrement propice à l'apparition de créatures et de monstres. Il y a d'innombrables cavernes, dont les profondeurs mystérieuses semblent faites pour abriter toute une légion d'esprits maléfiques ; des forêts touffues idéales pour le peuple féerique sous la lumière de la lune ; des lacs solitaires qui rappellent immanquablement des visions d'esprits aquatiques ; de fabuleux trésors reposant, cachés, au fin fond des montagnes ; bref, tout ce qui s'est insinué dans l'esprit des plus vieux habitants : les Roumains, et influencé leur façon de penser, de sorte que ces gens, imaginatifs et poètes de nature, ont construit, pour leur usage personnel et à partir du matériau avoisinant, tout un code de fantaisies superstitieuses, auquel ils adhèrent complètement, à égalité avec leur propre religion.

Deuxièmement, nous trouvons la superstition importée. C'est à dire les vieilles traditions germaniques et les croyances apportées 700 ans auparavant par les colons Saxons de leur terre natale ; et comme beaucoup d'autres choses, infiniment mieux préservées en Transylvanie que dans leur pays d'origine.

Troisièmement, notons les superstitions errantes des tribus tziganes, eux-mêmes issus d'une race de sorcières et de diseuses de bonne aventure, dont les caravanes couvrent le pays comme un réseau, et dont les plus sédentaires alimentent les banlieues des villes et des villages.
Bien sûr, ces différentes formes de superstition se sont jumelées et entrecroisées, ont agi et réagi les unes aux autres, jusqu'à ce qu'il devienne difficile, dans la plupart des cas, de déterminer la parenté exacte d'une croyance ou coutume particulière ; mais en général, les trois sources que j'ai nommées peuvent constituer une sorte de classification large en ce qui concerne les principales superstitions de Transylvanie.
Il n'y a pas, à ce sujet, d'affirmation plus vraie que celle de Grimm selon laquelle "la superstition et la variété de ses manifestations constituent une sorte de religion, applicable aux nécessités quotidiennes de la vie", donc des formes particulières de superstitions peuvent très bien servir de guide des caractères et habitudes d'une nation fixée dans laquelle elles prévalent.

L'esprit malin (ou, pour ne pas le nommer, le Diable) joue un grand rôle dans le code de superstition roumain, et des dénominations telles que Gregynia Drakuluj (le Jardin du Diable), Gania Drakuluj (la Montagne du Diable), Yadu Drakuluj (l'Abysse du Diable) etc... que l'on retrouve fréquemment attachées à des rochers, cavernes ou hauteurs, attestent le fait que ces gens se croient cernés de tous les côtés par une armée d'esprits maléfiques. De plus, les Diables sont assistés par des sorcières et des dragons. A toutes ces créatures dangereuses sont assignés de puissants pouvoirs à des dates précises et en certains endroits.

Le jour le plus important de l'année est peut-être la St George, le 23 avril, la veille de ce qui est encore tenu secret par des réunions occultes ayant lieu la nuit dans des cavernes isolées ou dans des ruines, et où ont lieu toutes les cérémonies usuelles de la célébration du Sabbat des sorcières.
La fête elle-même est un jour où il faut grandement se méfier des sorcières, et où, pour contrer leur influence, on place des cubes de tourbe verte devant chaque porte et chaque fenêtre, ce qui est censé les empêcher d'entrer dans les maisons et les étables. Mais pour plus de sûreté, il est de coutume pour les paysans de veiller à côté de leur bétail endormi toute la nuit.Cette nuit est la meilleure pour trouver des trésors, et beaucoup de gens la passe à se promener dans les collines, à fouiller la terre pour lui arracher l'or qu'elle contient. Ces recherches sont généralement vaines et futiles. Cependant, ils ont raison dans une certaine mesure car les invasions successives ayant balayé le pays ont dû forcer bon nombre de puissants et de nations à cacher leurs richesses, sans parler des nombreux filons d'or et d'argent qui doivent courir sous la terre. Pas une année ne passe sans que soient découverts des jarres de terre cuite contenant d'anciennes pièces daces, ou des ornements en or d'origine romaine, et toutes ces découvertes nourrissent la superstition nationale.

A la nuit de la St George (selon les légendes), tous ces trésors commencent à étinceler ou, pour parler dans le langage mystique, à "fleurir" au sein de la terre, et la lumière qu'ils renvoient, décrite comme une flamme bleutée qui ressemble à la couleur des esprits du vin, sert à guider les mortels favorisés vers leur cachette. Les conditions pour déterrer pareil trésor sont l'habileté et la difficulté de la tâche.Tout d'abord, il est presque impossible pour un mortel quelconque qui n'est pas né un Dimanche ou à midi au moment où les cloches sonnent, de découvrir un trésor. Mais si cela arrivait tout de même, celui qui voit une flamme telle que je l'ai décrite doit rapidement enfoncer un couteau dans sa chaussure droite et le lancer ensuite vers la flamme. Si deux personnes sont ensemble durant la découverte, ils ne doivent à aucun prix rompre le silence avant d'avoir déplacé le trésor, il n'est pas non plus permis de reboucher le trou avec ce qui en a été enlevé car cette faute amènerait une mort rapide.Une autre information à noter est que les flammes vues avant minuit le soir de la St George indiquent des trésors gardés par de bons esprits, alors que celles apparaissant après minuit sont toujours de nature pernicieuse.

Il y a deux sortes de vampires, les vivants et les morts. Le vampire vivant est, en général, la progéniture illégitime de deux personnes illégitimes mais même un pedigree sans tâche ne protégera personne contre l'intrusion d'un vampire au sein de la famille, puisque toute personne tuée par un nosferatu deviendra un vampire après la mort et continuera à sucer le sang de gens innocents jusqu'à ce qu'il soit exorcisé, soit en ouvrant la tombe de la personne suspectée et en enfonçant un pieu dans le corps, soit en tirant une balle dans le cercueil. Dans les cas très difficiles, on recommande aussi de couper la tête et de la remettre dans le cercueil avec la bouche pleine d'ail, ou encore de retirer le cœur et de le brûler en répandant les cendres sur la tombe. Ces remèdes sont souvent employés, encore de nos jours, c'est un fait bien attesté et il y a probablement peu de villages roumains où de tels événements n'aient pris place dans la mémoire des habitants.

Cousin germain du vampire, la tradition allemande du loup-garou est ici présente sous le nom de Prikolitsch. Parfois c'est un chien au lieu d'un loup, dont un homme a pris la forme, soit volontairement, soit pour se repentir de ses pêchés. Dans un des villages, on raconte (et on croit) encore l'histoire d'un homme qui revenait de l'église chez lui, un dimanche, avec sa femme et qui sentit soudain que c'était l'heure de sa transformation. Il passa donc les rênes à sa femme et se réfugia dans des buissons où, murmurant la formule mystique, il fit trois roulades dans le fossé. Peu après, la femme, qui attendait son mari en vain, fut attaquée par un chien furieux, se cabrant, aboyant et qui réussit à la mordre profondément et à déchirer sa robe. Quand, une heure plus tard, cette femme revint chez elle, elle fut accueillie par son mari qui avançait vers elle en souriant, mais entre ses dents, elle aperçut les morceaux de la robe déchirée par le chien et cette horrible découverte la fit s'évanouir.
Un autre homme avait l'habitude d'affirmer gravement que pendant plus de cinq ans, il avait vécu sous la forme d'un loup, conduisant une meute de ces animaux jusqu'à ce qu'un chasseur, en le frappant à la tête, lui redonne sa forme originelle.

Un voyageur français relate l'exemple d'un botaniste inoffensif qui, alors qu'il ramassait des herbes sur la colline, accroupi, fut aperçu par des paysans et pris pour un loup. Avant qu'ils ne l'atteignent, l'homme s'était relevé et montré en tant qu'homme, sur ces deux pieds. Mais ceci, dans l'esprit des Roumains qui le regardaient comme bien pire qu'un loup, ne fut qu'une raison de plus pour l'attaquer. Ils étaient absolument certains que c'était un Prikolitsch, car seule cette créature pouvait changer de forme avec une telle désinvolture et l'instant d'après, ils se lançaient à sa poursuite en hurlant. Et si la victime n'avait pas réussi à rejoindre une calèche sur la route en amont avant qu'ils ne l'attaquent, sa cueillette aurait pu finir bien mal.

Nous ne jugeons pas utile d'aller plus loin dans l'explication de l'extraordinaire ténacité du mythe du loup-garou dans un pays comme la Transylvanie, où les vrais loups sont encore légions. Chaque hiver nous apporte de nouvelles preuves de la hardiesse et de la ruse de ces terribles animaux, dont les attaques sur les troupeaux et les fermes sont souvent conduites avec une adresse qui ferait pâlir l'intelligence humaine. Parfois, un village entier est tenu en haleine pendant des semaines par un chef de meute particulièrement audacieux, à qui les habitants attribuent un caractère surnaturel, et l'on peut se risquer à affirmer qu'aussi longtemps que le vrai loup continuera à hanter les forêts de Transylvanie, son frère surnaturel survivra dans l'esprit des habitants.

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